J'ai le trac à l'idée d'écrire ceci, je l'ai été toute la journée, et c'est parce que le sujet me tient à cœur. La santé mentale et physique des hommes et leur place dans le monde me tiennent à cœur, car j'ai lutté contre ces deux problèmes et je suis devenue plus forte grâce au soutien d'hommes et de femmes de bien qui m'ont aidée à trouver les mots pour exprimer les difficultés que j'ai rencontrées. Il faudra que vous soyez patients avec moi pendant que je reprends le fil et que je commence à aborder ce sujet.
À 12 ans, on m'a demandé ce que je voulais faire plus tard. J'ai répondu que je voulais être un gentleman. Simplement parce que l'idée de porter un costume, une cravate et un chapeau melon, un parapluie et de prendre le métro londonien me plaisait. Avec cette image bien ancrée dans ma tête, je me promenais aussi pimpant que possible – pas vraiment – mais je faisais de mon mieux.
Quelques mois plus tard, lors d'un dîner, mes parents et leurs amis discutaient d'une grave situation aux États-Unis. Je me suis demandé : « Pourquoi nous qualifions-nous d'humains alors que cela ne reflète pas notre nature, compte tenu de nos habitudes destructrices ? » Mon père m'a regardé et m'a dit : « Nous nous qualifions d'humains pour nous inspirer à être plus humains. » J'y ai réfléchi en faisant entrer les invités à la table de la salle à manger (mon unique travail de la soirée) et en disant : « Mesdames et messieurs, le dîner est servi. » « Ne les appelez pas comme ça, ils ne le sont pas » , a dit mon père. « Non », ai-je répondu, « mais ils pourraient aspirer à l'être. »
Ce n'est que des années plus tard que j'ai commencé à comprendre ce que cela pouvait signifier pour moi, pour les hommes et les femmes, d'aspirer à être des Mesdames et des Messieurs. Non pas dans un sens archaïque, comme Monsieur Darcy, mais en renouvelant cette idée pour répondre aux besoins actuels de la société. Être plus empathique, plus compatissant et plus doux, permettre aux hommes de se sentir autonomes, non pas en opprimant les autres, mais en les valorisant, en les responsabilisant. Reconnaître ces qualités bienveillantes comme humaines, et non féminines. Je pense que le dialogue commence simplement par l'honnêteté et encourager les hommes et les garçons à l'être.
C'est ce manque de communication et ces expressions blessantes comme « sois un homme » et « les garçons ne pleurent pas » qui empêchent les garçons de grandir en s'affranchissant des stéréotypes négatifs – c'est ce que j'ai ressenti. Envie de profiter de certaines choses et de ma vie d'une certaine manière, mais cela m'inquiétait, ma masculinité (quelle qu'elle soit) était remise en question. Lutter pour exprimer la solitude et la colère qui en résultaient était une torture – mais je n'avais pas les mots, ou même si je les avais, je ne me sentirais pas à l'aise pour les exprimer.
Au Canada, le taux de suicide chez les hommes est trois fois plus élevé que chez les femmes, et le ratio mondial des taux de suicide chez les hommes par rapport aux femmes était de 7 pour 1 en 2015. Le suicide chez les hommes est associé à des événements précis de la vie, comme l'adolescence ou le passage à l'âge adulte. Cette période chaotique est rendue plus difficile par le sentiment d'être limité par les stéréotypes qui pèsent sur eux, tant chez les garçons que chez les filles. D'autres événements de la vie touchent également les hommes d'âge moyen. Un divorce est un événement qui peut avoir des conséquences particulièrement néfastes.
On dit que l'empereur Néron jouait du violon pendant que Rome brûlait. Sachant que la nouvelle génération et l'ère du christianisme étaient inévitables, j'adore cette histoire. C'est totalement absurde et historiquement incorrect, mais l'idée que l'ancienne génération, reconnaissant que son temps était révolu, se soit retirée pour permettre à la nouvelle génération de le réduire en cendres et de reconstruire et renouveler quelque chose de brillant et de juste pour l'époque.
Pour les jeunes hommes, il est difficile d'hériter de privilèges sexistes qui nous limitent au lieu de nous donner les moyens d'agir. Nombre d'entre eux en profitent, mais beaucoup d'entre nous n'en veulent pas. Nous voulons les réduire à néant et reconstruire. Or, ces privilèges peuvent engendrer du ressentiment. Ces droits peuvent laisser les hommes impuissants, désespérés et désemparés ; une occasion manquée pour la société des hommes de s'améliorer, de devenir de meilleurs parents, maris, fils et amis.
Malheureusement, lorsque des hommes et des femmes tentent d'organiser des discussions sur les questions touchant la santé mentale masculine, ils se heurtent parfois à une certaine hostilité. Cette attitude semble reposer sur l'idée erronée que les hommes sont déjà privilégiés dans la société et, par conséquent, indignes d'attention.
Mais nous pouvons, et nous devons.Nous pouvons redéfinir ce qui constitue un homme. Nous pouvons parler, ouvrir le dialogue et redéfinir la masculinité pour nous permettre, ainsi qu'aux garçons de demain, de nous sentir habilités à parler et à engager des conversations similaires.
Une nouvelle stratégie doit s'attaquer aux déterminants sociaux du suicide, notamment les enjeux professionnels et le stress au travail. Le plus urgent est peut-être une enquête franche et ouverte sur l'influence du droit de la famille et des tribunaux de la famille sur le comportement suicidaire, ainsi que l'examen du rôle des stéréotypes sociétaux sur la révélation du suicide, la recherche d'aide et le soutien social.
Aujourd'hui, j'ai incontestablement plus de 12 ans, mais je lutte toujours pour devenir le gentleman et l'homme meilleur que je voulais être. Je ne m'en rapproche que grâce à la collaboration et à la connaissance de femmes formidables, sans parler du soutien de la femme merveilleuse de ma vie. La vie est terrifiante pour tout le monde ; les émotions, les attentes, les restrictions et les espoirs auxquels nous sommes confrontés nous mettent tellement de pression. Nous ne pouvons y arriver qu'ensemble et nous libérer des stéréotypes néfastes. J'espère que la moustache de gentleman de Movember, ainsi que le travail et les échanges enrichissants qui l'accompagnent, perdureront toute l'année. J'espère que les garçons pourront se renouveler, devenir des hommes doux.
~ Un gentleman
